BALADE DANS BRUXELLES ENTRE REVE ET REALITE
Les Marolles, comme vous ne les avez jamais vues. Ou plutôt, comme vous ne les avez jamais entendues. C’est ce que propose de vous faire découvrir un anti-guide touristique sous la forme d’un CD à écouter… en se promenant !
Il y a mille façons de découvrir une ville. Entre celle des guides traditionnels qui gavent les affamés de culture sous des tonnes d’informations précises, et celle des flâneurs qui vont au hasard de leurs pas et de leur curiosité, chacun a sa méthode préférée. A mi-chemin entre ces deux extrêmes, un trio, Valéry Lippens, Charlie Dupont et Vincent Herbert nous en propose une nouvelle. Les “D*tours” sont des balades sonores, des promenades dans la ville, casque audio sur la tête et discman dans la poche.
Evocations sonores
Le premier est consacré aux Marolles. Vous n’y apprendrez pas le nombre d’habitants de la cité Hellemans ni la date de leur révolte, il y a quelques décennies. On ne vous y racontera pas l’histoire de l’Hôpital St-Pierre, et on ne vous assommera pas sous les données relatives à la construction du Palais de Justice. Car D*tours n’est pas un guide traditionnel. Il est même à l’opposé de ces recueils rigoureux. Lui, en appelle plutôt au cerveau droit, à l’imagination. S’il vous prend par la main, il tente avant tout de vous faire ressentir l’ambiance du quartier, par un remarquable travail d’illustration sonore.
La première étape consiste à louer, au centre culturel Jacques Franck , un guide audio, et de vous installer, juste à côté, à la brasserie Verschueren, qui bénéficie ainsi d’une publicité gratuite qui devrait lui amener pas mal de nouveaux clients. C’est là que commence la balade sonore. Le casque sur les oreilles, vous entendez l’ambiance enregistrée par les concepteurs se mêler aux sons de la réalité.
Envoûtant
Une voix calme, chaleureuse, comme si vous étiez en train d’écouter un disque de relaxation, vous explique ce qui va se passer. Une sorte d’aventure qui va vous plonger dans un monde entre rêve et réalité. Si votre guide vous indique par où aller, si vous entendez ses pas sur le trottoir qui vont rythmer les vôtres, d’autres sons vont se mêler à sa voix. Des bruits de la rue, des voix, des cris, des témoignages d’habitants, des extraits d’interviews de personnalités, des mélodies et des chansons.
En marchant, vous entendez des gens vous saluer. Les “Bonjour !” accueillants se multiplient puis laissent la place à des cris d’enfants. Vous êtes près de la cité sociale des Marolles. On vous dit quelques mots à son sujet, mais pas grand chose. L’essentiel est de vous plonger dans son climat, tout en laissant votre regard vagabonder autour de vous.
Plus loin, des voix de Bruxellois vous parlent de l’humour typique de leur ville, la “zwanze”. Leur accent chante. Leur côté bon enfant est réjouissant. Plus loin encore, quelques notes d’harmonica et vous voilà en face du plus sympa et du plus apprécié des Bruxellois expatriés, Toots Thielemans. L’évocation sonore est tellement bien faite qu’on le voit là, sous nos yeux, nous raconter sa rue Haute à lui. La création sonore est admirable, et le son nous montre une fois de plus sa prodigieuse capacité à suggérer des images et à provoquer des sensations.
Les lieux changent, les ambiances sonores aussi. A proximité d’un mur couvert de tags, c’est un groupe de rappeurs qui nous chante sa ville. Près de la chapelle des Brigittines, des crissements de trains nous rappellent la destruction du quartier par la jonction Nord-Midi. Des Bruxellois nous la racontent en quelques bribes de souvenirs.
La balade se termine dans un des pires lieux de Bruxelles : la place Poelaerts et son hideux Palais de Justice qui fit du mot “architecte” l’une des pires injures pour les Bruxellois. Et, quand notre guide nous demande de nous tourner pour profiter du panorama, les dégâts de la bruxellisation, les immeubles de béton sans âme qui remplacent progressivement les charmantes maisons anciennes que l’on a laissé pourrir, nous font immédiatement comprendre pourquoi. Et l’on serre les dents.
D*tours est une idée originale, servie par une réalisation irréprochable. Une balade sonore dure environ une heure trente. Les prochaines créations traiteront des quartier des la place Sainte-Catherine et de la Grand-Place.